Migrant·es en transit : lettre ouverte

10 mai 2019 - Categories : Actualités

Namur, le 8 mai 2019

Objet : Migrant.e.s en transit sur les zones d’autoroute en Wallonie : les collectifs citoyens veulent cesser d’exister ; aux pouvoirs publics de prendre leurs responsabilités !

Citoyens, Citoyennes, Sa Majesté Royale le Roi Philippe, Sa Majesté Royale la Reine Mathilde, Mesdames et Messieurs les Ministres fédéraux.ales et futur.e.s, Mesdames et Messieurs les Député.e.s fédéraux.ales et futur.e.s, Mesdames et Messieurs les Ministres wallon.ne.s et futur.e.s, Mesdames et Messieurs les Député.e.s wallon.ne.s et futur.e.s, Monsieur le Gouverneur de la Province de Namur, Monsieur le Directeur Général de la Province de Namur, Mesdames et Messieurs les Député.e.s Provinciaux, Mesdames et Messieurs les Conseillers.ères Provinciaux.ales, Mesdames et Messieurs les Bourgmestres, Mesdames et Messieurs les Échevin.e.s, Mesdames et Messieurs les Directeurs.trices Généraux.ales communaux.ales, Mesdames et Messieurs les Conseillers.ères communaux.ales, Mesdames et Messieurs les Président.e.s des CPAS, Mesdames et Messieurs les Chef.fe.s de corps de la Police fédérale et des Polices locales,

Depuis de nombreux mois déjà, des migrant.e.s sont de passage sur le territoire des communes de la Région Wallonne, en province de Namur notamment. Regroupées sous le terme « migrant.e.s en transit », ces personnes souhaitent se rendre dans un autre pays européen (généralement le Royaume-Uni) pour y demander l’asile ou pour y séjourner (pour des raisons familiales, liées au travail ou aux études, par exemple).

La plupart des migrant.e.s dit.e.s en transit ne savent pas quels sont leurs droits. Dans de nombreux cas, ils.elles ont besoin d’une protection internationale. Pourtant, beaucoup ont peur de demander l’asile en Belgique car ils.elles craignent d’être expulsé.e.s ou renvoyé.e.s vers un autre pays européen sans avoir été entendu.e.s. En effet, le règlement Dublin détermine le pays européen responsable du traitement de la demande d’asile. En général, il s’agit de celui par lequel la personne est entrée en Europe, souvent l’Italie ou la Grèce. Or les personnes ne veulent généralement pas rester en Italie ou en Grèce, où l’accueil et la protection sont défaillants. Parfois aussi, ces personnes cherchent à éviter un éventuel renvoi vers la Lybie en raison des accords passés entre ces deux pays.

La plupart de ces femmes, de ces hommes et de ces enfants qui transitent par notre territoire pour tenter leur chance plus loin, au-delà de nos frontières, ne connaissent et/ou ne comprennent pas ce système de règlement Dublin. Pourtant, si elles étaient correctement informées, elles pourraient dans de nombreux cas « casser leur Dublin » et demander l’asile en Belgique, en justifiant les raisons pour lesquelles elles ne peuvent pas vivre en Italie ou en Grèce.
Essentiellement originaire d’Erythrée, du Soudan, d’Ethiopie, de Somalie, de Libye, d’Egypte, d’Afghanistan, d’Irak ou encore de Syrie, ces personnes sont pour la plupart des adolescents et des jeunes hommes âgés de 12 à 25 ans. Transitent aussi des publics avec des vulnérabilités spécifiques, notamment des Mineurs Étrangers Non Accompagnés (MENA), et des femmes, parfois enceintes.

Si les migrant.e.s en transit se trouvent dans des situations juridiques variées et présentent des profils très divers, ils et elles sont toutes et tous d’une grande fragilité psychique, fragilité liée à leur exil et à leur parcours migratoire mais aussi aux conditions de vie et aux multiples actions policières répressives dont ils font l’objet.

Si cette réalité est connue et largement médiatisée à Bruxelles autour de Parc Maximilien, aujourd’hui, certaines aires d’autoroute de Wallonie deviennent à leur tour des lieux de transit. En province de Namur, à Spy, Wanlin, Gembloux ou encore à Hulplanche, des camps de fortune naissent, des collectifs citoyens se constituent et de nombreuses formes de solidarité apparaissent (soutien moral, distribution alimentaire, hébergement, information sur la procédure d’asile ou soutien vers une procédure d’asile, etc.).

Mais aujourd’hui ces solidarités s’épuisent, les collectifs et associations qui gravitent autour de ces zones de transit manquent de ressources de tout genre (ressources matérielles, alimentaires, vêtements, lieux d’accueil et d’hébergement, aide et soutien psychologique, juridique,…), des interventions policières ont lieu, la situation sanitaire se dégrade jusqu’à menacer la santé publique.
Tenant compte du nombre de personnes concernées, nombre estimé à 200 individus à l’échelle de la province de Namur, de la situation qu’elles vivent et du nombre de citoyen.ne.s et d’associations impliqué.e.s, cette situation humaine préoccupante doit être considérée comme situation de crise.

Malheureusement, les politiques ne semblent considérer en rien la gravité de la situation.

Une interpellation du Gouverneur de la Province de Namur a eu lieu en décembre 2018 par l’entremise du Centre d’Action Interculturelle de la province de Namur, des collectifs et associations concernés qui souhaitaient trouver une solution globale en concertation avec les autorités locales. Nous étions alors aux portes de l’hiver…

Quatre mois plus tard, rien n’a foncièrement changé. Même si en province de Namur certaines des communes concernées ont consenti à un réel effort, les engagements et les aides apportées sont restés timides et largement insuffisants. Aussi les autorités locales ont parfois évoqué l’absence de cadre légal pour justifier leur inaction.

Jusqu’à quand les citoyen.ne.s, les collectifs mais aussi les associations vont-ils.elles pouvoir résister sans moyens et sans appui de la part des autorités, du politique ?

Certes le dossier est complexe mais en l’absence d’une prise en charge de la part des autorités et du politique, les lieux de transit deviennent des lieux où le droit à la dignité humaine n’est plus respecté, où les droits humains fondamentaux sont bafoués. Cela ne peut plus durer, même si les migrant.e.s en transit sont en séjour irrégulier sur notre territoire, ils.elles ne sont pas pour autant dépourvu.e.s de droits !

Faut-il d’ailleurs rappeler que les lieux de transit se trouvent sur le territoire de la province de Namur qui s’est déclarée Province Hospitalière et parfois sur les territoires de Communes qui se sont elles aussi déclarées Communes Hospitalières, s’engageant ainsi à respecter et à faire respecter les droits humains fondamentaux en ce compris ceux des migrant.e.s présent.e.s sur leur territoire. Pour certaines d’entre elles, nous sommes même à la veille de l’anniversaire de l’adoption de la motion. La Province de Namur et les Communes ayant adopté la motion ont ainsi montré un élan positif que nous saluons. Aujourd’hui, nous les invitons à poursuivre dans cette voie, à respecter les termes de la motion par l’action et donc à dépasser la seule « labellisation ».
A la veille d’un triple scrutin électoral, nous comptons bien faire entendre notre voix et faire remonter la réalité que vivent ces personnes et les difficultés que rencontrent les collectifs citoyens qui tentent de leur venir en aide en espérant que les autorités publiques prennent enfin leurs responsabilités et que soit mise à l’agenda des débats politiques cette situation de crise humanitaire dramatique et insoutenable.

Aujourd’hui, le souhait le plus cher des collectifs citoyens est de pouvoir ne plus exister, de ne plus avoir à assumer les responsabilités qui sont celles de l’Etat et des différents pouvoirs publics. Ils attendent une réponse structurelle qui puisse apporter une reconnaissance à ces invisibles.

Plus concrètement, nous souhaitons que soient mises en œuvre les recommandations suivantes :

  • Au niveau fédéral :
    • permettre un réel accès à la protection et créer des Centres d’Accueil et d’Orientation (C.A.O.) pour les migrants en transit. En Wallonie, ces CAO seraient décentralisés pour tenir compte de son caractère rural et de la dispersion géographique des populations concernées et ces dispositifs s’appuieraient sur les organismes existants en les renforçant ; o permettre l’aide matérielle et l’intervention de la Protection civile et de la Défense ;
  • Au niveau régional :
    • S’assurer de la mise en œuvre effective des recommandations formulées à l’égard des autorités locales au départ de la tutelle des Pouvoirs Locaux ; o Soutenir financièrement la création des CAO et en assurer la coordination effective ; o Soutenir financièrement les initiatives de terrain déjà existantes ; o Soutenir financièrement les autorités locales ; o Assurer la bonne information des autorités locales (Bourgmestres, Président.e.s de CPAS, …) au départ de la tutelle des Pouvoirs Locaux, notamment relativement à l’Aide Médicale Urgente (AMU) ;
    • Assurer la bonne information des services de secours et des services d’urgence, notamment relativement à l’Aide Médicale Urgente (AMU) ; o Soutenir les actions d’information et de sensibilisation à destination des citoyen.ne.s.
  • Au niveau local (communes et provinces) :
    • Assurer la protection de ces personnes en transit sur leur territoire ; o Assurer une aide matérielle et humanitaire suffisante et en organisant des lieux d’hébergement ; o Garantir l’accès à l’Aide Médicale Urgente (AMU) ; o Traduire les termes de la motion « Commune ou Province Hospitalière » en actions concrètes ; o Soutenir et/ou développer des actions d’information et sensibilisation à destination des citoyen.ne.s, notamment au départ des Plans de Cohésion Sociale (PCS) ;

Nous, les collectifs citoyens et associations signataires de ce courrier, exigeons que vous, les pouvoirs politiques et autorités publiques, preniez vos responsabilités. A la veille des élections, nous osons espérer que vous saurez enfin vous mobiliser à votre tour.


Ce courrier a été rédigé en concertation par :

Pour les collectifs citoyens :

  • Collectif citoyen « Cantine Famennoise » (Villers-sur-Lesse) ;
  • Collectif citoyen « De la Parole aux Actes à Gembloux et à la Lisière des 3 Provinces » ;
  • Collectif citoyen « Gembloux Hospitalière » ;
  • Collectif citoyen de « La Bruyère, commune hospitalière » ;
  • Collectif citoyen « S13 » (Spy).

Pour les associations :

  • AFICo-CEPAG asbl ;
  • C.A.I. Namur, Centre d’action interculturelle de la province de Namur ;
  • GABS, Groupe Animation de la Basse-Sambre ;
  • MOC Namur, Mouvement Ouvrier Chrétien de la province de Namur ;
  • PAC Namur, Présence et Action Culturelles ;
  • RWLP, Réseau Wallon de Lutte contre le Pauvreté.

Co-signataires :

  1. Aide aux Personnes Déplacées asbl ;
  2. ADAS, Aide aux Devoirs et Animations Saint-Servais ;
  3. Alpha 5000 asbl ;
  4. Be Pax ;
  5. Betty Batoul, femme de paix ;
  6. Carrefour des Cultures;
  7. Carlo Caldarini;
  8. Centre Culturel des Roches de Rochefort ;
  9. CAL Centre d’Action Laïque de la province de Namur ;
  10. Centre de Médiation des Gens du Voyage et des Roms ;
  11. Centre des Immigrés NamurLuxembourg ASBL ;
  12. CIEP-Alpha Namur ;
  13. CIRĖ asbl Coordination et Initiatives pour Réfugiés et Etrangers ;
  14. CLPS Namur, Centre Local de Promotion de la Santé en province de Namur ;
  15. CNCD11.11.11. asbl ;
  16. Collectif Citoyen ACCES, Accueils Couvinois Citoyens Et Solidaires ;
  17. Collectif Citoyens Solidaires Namur ;
  18. Collectif Not In My Name ;
  19. Conseil Jeunesse Développement ASBL ;
  20. CRAC’S, Centre Régional d’Action Culturelle de Sambreville ;
  21. CRIBW, Centre Régional d’Intégration du Brabant Wallon ;
  22. CRIC, Centre Régional d’Intégration de Charleroi ;
  23. CRILUX, Centre Régional d’Intégration du Luxembourg ;
  24. CSC Namur-Dinant ;
  25. CSE-Nouveau Saint-Servais ;
  26. FGTB Horval Namur-Luxembourg ;
  27. FGTB Namur ;
  28. FGTB Wallonne ;
  29. Inès De Sousa, de Média animation asbl ;
  30. L’En Train Sambreville ;
  31. L’Interfédé ;
  32. Lire et Ecrire Namur Asbl ;
  33. Luc Bawin ;
  34. Maison de la Laïcité François Bovesse de Namur ;
  35. Marie-Christine Hannequart ;
  36. Mouvement CEPAG ;
  37. Mouvement PAC ;
  38. Myriam Libioulle ;
  39. PAC Dinant-Philippeville ;
  40. Peuple et Culture Wallonie-Bruxelles ;
  41. Philippe Anciaux ;
  42. Sébastien Vause ;
  43. SEM Service entraide migrants Gembloux ;
  44. Serge Fetter ;
  45. SeTIS Wallon.