Le principe de voiture-salaire est emblématique des effets indésirables du capitalisme. Il témoigne, concrètement, de l’interdépendance des menaces qui pèsent aujourd’hui sur nos sociétés, qu’elles soient écologiques, sociales, économiques, politiques ou culturelles.
Injuste socialement, car il est octroyé, dans la très grande majorité des cas, aux 10 % des salaires les plus élevés. Et dans 75 % des cas, aux hommes plutôt qu’aux femmes. Il s’agit donc d’un cadeau fiscal réservé à certain·es travailleur·euses, mais dont le coût global est assumé par tous·tes les travailleurs et travailleuses. En d’autres termes : un système supporté majoritairement par ceux et celles qui n’en bénéficient pas. Il s’agit là de l’antithèse de la justice fiscale, contraire au principe de la solidarité.
Injuste fiscalement car, via ce système de voiture-salaire, les travailleur·euses sont exonéré·es de cotisations sociales sur la valeur de la voiture alors que l’employeur ne paie qu’un montant forfaitaire, quatre fois inférieur au montant des cotisations sociales patronales normalement perçues. De plus, la valeur de la voiture-salaire est souvent sous-estimée, diminuant de facto également l’impôt payé par les travailleur·euses. Selon les estimations, le manque à gagner pour l’état se situe entre 2 et 4 milliards par an : 50 % de cotisations sociales non perçues et 50 % d’impôt non perçu.
La voiture-salaire constitue en outre une menace pour l’environnement, car l’octroi de cet avantage fiscal dope artificiellement le marché automobile belge. La voiture-salaire représente 1 voiture sur 10 en circulation, mais effectue près de 25 % des trajets automobiles. Ce sont également de plus grosses cylindrées, roulant généralement au diesel. Il s’agit donc de voitures plus polluantes. Aussi, via la mise à disposition conjointe d’une carte essence, l’état encourage indirectement les travailleur·euses à rouler plus et à moindres frais. Le résultat ? En moyenne, les usagers et usagères de la voiture-salaires parcourent 2 fois plus de trajets que les voitures privées.
Enfin, la voiture-salaire entretient un idéal de réussite, tel un marqueur social dans une société qui devrait pourtant tendre vers une décarbonisation de ses modes de consommation et de déplacement. Il n’y a cependant pas d’autres choix : si nous voulons faire face aux enjeux environnementaux actuels et à venir, il sera impératif de changer notre rapport à la voiture, d’autant plus si cette dernière s’avère être chère, volumineuse et polluante. L’état ne devrait-il donc pas, par son action législative, encourager les modes de déplacements moins polluants, collectifs et accessibles au plus grand nombre ?
Dans le contexte sanitaire tel que nous le vivons depuis plus d’un an, nous souhaitons que l’argent cotisé par les travailleur·euses et les employeur·euses soit utilisé pour le bien-être des citoyen·es, pour garantir de meilleurs soins de santé pour toutes et tous, pour favoriser des conditions de travail correctes pour nos soignant·es… En bref, pour renforcer le système de solidarité qui a démontré toute sa puissance lors des crises successives vécues ces dernières années.