Les écrivains et écrivaines publiques prennent la parole !

Régionale : Bruxelles   Categories : Non classé

« Écrivains publics ou comment s’occuper de nos fous…? »

Un témoignage de Serge Verstaeten, écrivain public à la bibliothèque d’Anderlecht et de Koekelberg.

Écrivain public formé à Bruxelles lors de la promotion 2018-2019, je suis parmi quelques un·e·s des formé·e·s à exercer depuis bientôt deux ans la fonction d’écrivain public. J’ai choisi au départ d’exercer cette activité bénévole, gratuite et confidentielle au sein d’une, puis de deux bibliothèques communales (Koekelberg et Anderlecht) et cela grâce au fait que les bibliothèques en Communauté Française peuvent désormais s’adjoindre notre collaboration, moyennant un accord du Collège et du Conseil communal et ce, sur base d’une convention entre les parties (PAC Bruxelles, la commune dont dépend la bibliothèque et l’écrivain public).

Au sein de la coordination locale des écrivains publics, nous abordons collectivement les différentes problématiques qui nous reviennent de nos permanences respectives. Ainsi, nous nous sommes aperçus que nous avions des problèmes avec une partie des demandeurs qui semblaient présenter des problèmes mentaux. Mais est-ce vraiment des problèmes mentaux ?

Pour ma part, je rencontre des gens de toute origine dont le discours semble parfois légèrement délirant au premier abord. En effet, certain·es ont tellement souffert du peu d’intérêt qu’on a porté à leur demande jusqu’à présent qu’une attitude de défense leur interdit d’arriver avec un discours clair. Il faut donc les écouter activement avec bienveillance en premier lieu. Et puis les problématiques qu’ils traversent sont parfois tellement complexes qu’elles semblent complètement perdues. Ensuite, il faut pouvoir décrypter le parcours qui amène à demander un courrier par notre entremise. Quand les personnes ont un mail et que je peux leur renvoyer leur projet de lettre, une certaine sérénité s’installe grâce à une sorte d’échange épistolaire. Les mots s’affinent, et donc la pensée également et cet effet est réflexif autant pour la personne que pour moi, écrivain public.

Il y a aussi des personnes qui reviennent constamment pour trouver de la compagnie et finalement deviennent des « habitués », aussi bien à mes yeux qu’à ceux des bibliothécaires. Bien sûr, pour certains, les livres demeurent encore hors d’atteinte. Finalement, ils se sentent à l’aise à la bibliothèque : leurs enfants découvrent qu’ils peuvent y venir emprunter des livres, participer à des activités collectives faites par les bibliothécaires et/ou avec le concours de centres culturels. La bibliothèque devient un lieu de vie pour une nouvelle frange de population qui n’a pas l’habitude d’en franchir le seuil. Enfin, on dirait que nous formons une sorte de nouvelle entité comme écrivains publics avec nos hôtes communaux et que des possibilités de synergies naissent progressivement.

Je ne sais parfois pas si les courriers que je rédige partent réellement vers leurs destinataires : les retours ne sont pas systématiques ! Il y a aussi des remerciements fréquents pour le travail accompli et ce sentiment de gratitude m’incite certainement à continuer de prendre très au sérieux ce que nous disent les gens à propos du courrier qu’ils nous demandent d’écrire.

Finalement, c’est le regard que nous portions au départ sur ces personnes que nous identifions comme « folles » qui change progressivement et qui nous fait les rejoindre dans une complicité humaine partagée et plus juste.

Serge Verstraeten.