PAC, mouvement écosocialiste

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Présence et Action Culturelles fête cette année ses 50 ans d’existence. À cette occasion, nous avons entamé un chantier idéologique avec nos membres et sympathisant·es. En effet, depuis 10 ans, force est de constater que les enjeux climatiques prennent une place de plus en plus importante dans nos actions et projets. Cette prise de conscience s’est véritablement intégrée à notre colonne vertébrale sans pour autant remplacer les valeurs fondamentales qui étaient et resteront les nôtres à savoir : la justice sociale, la solidarité, l’égalité et la fraternité. Présence et Action Culturelles, nous l’affirmons, est un mouvement progressiste écosocialiste. Après 10 années de travail et réflexions avec les citoyen·nes, expert·es et artistes, nous dressons les lignes fortes d’un projet de société ambitieux capable de concilier l’humain et son environnement naturel. Construire une société écosocialiste, c’est substituer à la logique du profit infini inhérente au capitalisme, la logique finie des écosystèmes. Seules les actions conjointes de l’état – comme régulateur des industriels et entreprises polluantes et comme levier fiscal – de la collectivité – comme moteur et codécideur des actions et politiques à mener – et des individus – agissant à leur niveau pour réduire leur impact environnemental – pourront véritablement freiner le dérèglement climatique et social que nous connaissons aujourd’hui.

Retranscription de l'intervention de PAC lors du congrès du PS - 17 mars 2019

Mesdames, Messieurs, Camarades,

Cette année, Présence et Action Culturelles fête ses 50 ans d’existence. 50 ans de luttes socialistes et d’éducation populaire. À l’occasion de cet anniversaire, nous avons entamé un chantier idéologique avec nos membres et sympathisants. En effet, depuis 10 ans, force est de constater que les enjeux climatiques prennent une place de plus en plus importante dans nos actions et projets.

Cette prise de conscience s’est véritablement intégrée à notre colonne vertébrale sans pour autant remplacer les valeurs fondamentales qui étaient et resteront les nôtres à savoir : la justice sociale, la solidarité, l’égalité et la fraternité.  Rapidement, il nous est apparu nécessaire de répondre à une question essentielle : comment réconcilier l’humain et son environnement naturel ? Nous n’avons pas trouvé une réponse, mais plusieurs.

Citoyennes et citoyens sur le terrain, experts et expertes dans nos publications et artistes dans nos projets, ont chacun à leur manière apporté des éléments de réponses, à partir de leur vécu, de leur attente et de leur prise sur le réel. Forts de cette expérience, nous avons décidé d’affirmer cette mutation de notre ADN comme un élément constitutif de toutes nos actions.

Présence et Action Culturelles, nous l’affirmons, est un mouvement progressiste écosocialiste, il ne saurait plus en être autrement.

À ce titre, nous voudrions partager avec vous quelques repères qui ont fondé notre réflexion.

Camarades, tous les voyants sont au rouge, certes c’est une couleur que nous apprécions, mais pour une fois je ne suis pas certaine que nous devrions nous réjouir.

L’heure n’est malheureusement plus aux discours de circonstance, il est plus que temps d’agir. Agir, changer, évoluer et d’une manière plus radicale rompre et renverser…

Cette radicalité, elle s’impose à nous, à moi et à vous comme seule réponse adéquate aux bouleversements incommensurables que nous connaissons et que nous connaîtrons dans les décennies à venir.

Je n’ai pas connu la période dite des « trente glorieuses ». Je sais seulement que depuis la fin des années 70, le mot « crise » s’est imposé petit à petit pour qualifier les sociétés modernes, et de manière bien plus inquiétante la planète — la planète en crise — sur laquelle nous vivons toutes et tous.

En préparant mon intervention, mon compagnon m’a dit : ne fais pas peur aux gens, le catastrophisme ça ne fait pas avancer la mobilisation… Oui et bien, je suis navrée, mais le monde des bisounours n’existe pas et, si nous n’agissons pas, il n’y aura bientôt plus à s’inquiéter de rien ni de personne.

Les basculements du monde sont sans précédent. Et la plupart sont totalement inédits, personne ne sait quelles seront leurs conséquences. Ils se produisent à une vitesse vertigineuse.

Nos écosystèmes sont bouleversés, nous assistons à la 6e extinction de masse des espèces. La précédente, je vous le rappelle, fut celle des dinosaures qui ont pourtant vécu sur la planète Terre pendant plus de 150 millions d’années… Depuis 1970, le nombre d’animaux a diminué de 60 % sur la planète.

Une espèce vivante tire son épingle du jeu, c’est la nôtre… L’espèce humaine colonise la terre, nous sommes 7,5 milliards en 2019, nous étions 2,5 milliards en 1950 et les projections annoncent 10 milliards d’humains en 2050. Cette augmentation exponentielle pose question. Comment nourrir, loger, éduquer décemment cette population ? Certes la production des richesses ne cesse d’augmenter, mais paradoxalement les inégalités augmentent tout autant. Ces inégalités ont un impact très concret sinon vital : un habitant de la commune gantoise de Leteme a une espérance de vie supérieure de 8 ans à celle d’une habitante de la commune de Dour.

Ces inégalités ne viennent pas de nulle part, elles sont exacerbées par l’extension sans limites de la logique du capitalisme. La marchandise est reine ! La valeur d’échange des biens et services demeure l’élément régulateur de la société au détriment d’un élément bien plus essentiel, leur valeur d’usage. Quel est le prix de notre santé et celui de la planète… ?

Combien vaut la vie humaine ? Alors que des milliers de personnes tentent désespérément de rejoindre l’Europe pour y trouver refuge. Mais ne nous trompons pas : nous ne sommes pas confrontés à une crise des réfugiés, nous sommes confrontés à une crise « d’humanité ». L’indifférence, le mépris ou l’enfermement des enfants sont autant d’indicateurs du degré d’humanité de nos sociétés.

Cette crise d’humanité, c’est aussi le signe d’une transformation profonde de nos valeurs : ces balises censées orienter nos choix, nos actes et nos luttes, quelles sont-elles aujourd’hui ? La montée des extrémismes politiques et religieux est un signal d’alerte que nous avons trop longtemps ignoré.

Excusez-moi d’avoir plombé l’ambiance… Merci à ceux et celles qui sont malgré tout resté•es pour écouter la suite.

Chez Présence et Action Culturelles, depuis plus de 10 ans, avec nos publics, à travers nos actions, nos rencontres et nos publications, nous avons pris conscience que les politiques actuelles apportaient certes des réponses, mais qu’elles étaient hélas souvent insuffisantes.

Soyons clairs : ajouter des contraintes environnementales à un système capitaliste pérennisé ne sera pas suffisant. Les grandes conférences sur le climat et les protocoles comme celui de Kyoto sont loin de produire des effets escomptés. Par ailleurs, l’instauration d’une dictature verte réclamée par certains ne sera pas acceptable pour nous qui prônons une société solidaire, démocratique et fondée sur l’égalité.

Pour illustrer notre propos, nous empruntons régulièrement le schéma de  Kate Raworth qui a la forme d’une bouée ou, c’est selon, d’un donut. Le centre de la bouée, c’est le plancher social en dessous duquel il n’est pas possible de garantir l’exercice des droits humains à toutes les citoyennes et citoyens : c’est l’accès à l’eau, l’énergie à un prix acceptable, un logement sain, une éducation, un revenu suffisant, un bon emploi, l’égalité des sexes, la protection sociale… L’extérieur de la bouée, c’est le plafond environnemental au-delà duquel nous ne pouvons plus garantir une planète viable pour tous et toutes, c’est une gestion raisonnée des ressources limitées, un basculement de l’énergie fossile vers le renouvelable, la limitation drastique des émissions de polluants, une préservation des forêts et des océans…

Une politique écosocialiste, c’est un politique dans laquelle toutes les mesures prises sont contenues entre ce plancher social et ce plafond environnemental, un espace sûr et juste pour l’humanité.

Construire une société écosocialiste c’est substituer à la logique du profit infini inhérente au capitalisme, la logique finie des écosystèmes.

Construire une société écosocialiste c’est rompre avec certains dogmes qui ont la peau dure : la croissance, l’augmentation du PIB comme seul indicateur de richesse, l’augmentation du pouvoir d’achat comme unique perspective pour les travailleurs et les travailleuses et la logique productiviste et accumulatrice du progrès.

Enfin, construire une société écosocialiste c’est, comme le suggère le sociologue et philosophe MICHAEL LÖWY, remettre en question la critique originelle marxiste qui opposait forces productives et rapports de production, pour y ajouter une dimension cruciale, celle des conditions de production. Envisager non plus seulement qui produit et pour qui, mais aussi que produit-on ? Comment, dans quelles conditions ? Et pour quel usage ?

Mais comme je l’ai dit, et comme le disent nos enfants qui étaient encore plus de 30 000 dans les rues il y a deux jours, il faut passer aux actes.

Intégrer les conditions de production c’est considérer les produits dans leur cycle de vie complète, de la production à la destruction ou mieux à leur réutilisation, et ce à un niveau supranational.

Envisager un plafond environnemental c’est accompagner les agriculteurs et agricultrices vers un système de production plus durable à travers la création d’un fond de transition européen. Plus d’agriculture biologique pour garantir l’accès à une nourriture saine au plus grand nombre à prix accessible.

Considérer le plancher social, c’est stopper l’augmentation excessive du prix l’énergie, en commençant par la diminution de la TVA à 6 % sur le gaz et l’électricité annulant la mesure injuste du précédent gouvernement. Mais c’est aussi penser à la transition énergétique en investissant dans les sources d’énergie renouvelable comme le vent, le soleil ou la chaleur de la terre. D’autant que ces secteurs d’avenir sont des viviers de bons emplois, former des travailleurs et travailleuses pour ces métiers à inventer c’est aussi leur garantir un revenu durable.

Au vu de l’explosion de la population, il faut trouver des solutions écologiquement soutenables pour transporter les humains. La gratuité des transports en commun doit être instaurée progressivement pour toutes les couches de la population. Il faut encourager les travailleurs et travailleuses à aller travailler en train ou bus en imposant aux employeurs le remboursement à 100 % des trajets domiciles lieu de travail en transport en commun. Et c’est aussi augmenter considérablement la dotation de la SNCB qui doit pouvoir répondre aux exigences de transport si on veut que les citoyens abandonnent le plus possible la voiture individuelle. À titre d’exemple, selon les estimations, les voitures de société représentent un manque à gagner pour l’état de 2,5 à 4,5 milliards.

Le service public doit être moteur de cette transformation. Il peut par exemple soutenir l’agriculture locale et biologique en imposant petit à petit l’utilisation de leur produit dans toutes les cuisines publiques comme les écoles, crèches, maisons de repos, les hôpitaux… Mais il peut aussi stopper les investissements dans les énergies fossiles et nucléaires au profit des énergies renouvelables. Et surtout, il peut via une politique fiscale plus juste, taxer plus le capital que le travail et taxer également les activités polluantes de grandes échelles.

Dans tous les cas, il nous paraît vain d’entrer dans une logique de culpabilisation des individus, les tendances à la surresponsabilisation sont pour nous contreproductives.

D’une part, elles nous font croire que la somme des petites actions individuelles suffira à sauver le monde. C’est faux ! On nous parle souvent du colibri, qui sauva la forêt du feu qui l’embrasait juste à la force de ces petites ailes alors que tous les autres animaux fuyaient. Je vous invite à lire la légende jusqu’au bout, car au final, épuisé, le colibri, il meurt.

D’autre part, elles agissent comme l’arbre qui cache la forêt et permettent aux véritables pollueurs de ne jamais être inquiétés.

Seules les actions conjointes de l’état — comme régulateur des industriels et entreprises polluantes et comme levier fiscal — de la collectivité — comme moteur et codécideur des actions et politiques à mener — et des individus — agissant à leur niveau pour réduire leur impact environnemental — pourront véritablement freiner le dérèglement climatique et social que nous connaissons aujourd’hui.

Merci pour votre attention.