[Retour sans filtre] ** Construire une masculinité non-hégémonique : comment et avec qui ?

30 janvier 2019 - Categories : Actualités, Midis de pac

// A l’issue de chaque Midi de PAC, Barbara Mourin, coordinatrice de la générale et des campagnes de PAC, revient avec ce qui l’a marquée pendant les deux heures de débat qui ont précédé. Un retour à chaud, subjectif et sans filtre.

Construire une masculinité non-hégémonique : comment et avec qui ?
Midi de PAC du 29 janvier 2019

Avant toute chose, petit retour sur le titre : « Construire une masculinité non hégémonique : comment ? Avec qui ? »

J’oscille entre deux réponses, selon mon humeur du jour et le nombre de machos que je croise au quotidien.
Quand ils m’ont vraiment gavée, ma réponse est : « démerdez vous, et faites vite, parce que sinon, on va s’en charger toutes seules et ça va chier !! »
Quand je me lève d’une humeur plus conciliante, et les interventions de ce jour m’y incitent, ma réponse est : « on cherche, ensemble, parce que ce sera tout de même plus sympa si vous êtes de la partie, vous, les hommes, non ? »
Et puis surtout, messieurs, ne vous inquiétez pas. Nous serons vigilantes et au taquet pour vous ramener sur le chemin de l’égalité, au moindre faux pas.

Pour revenir sur la définition même du concept d’hégémonie, cette dynamique culturelle par laquelle un groupe exerce et maintient une domination sur un autre groupe, je peux entendre qu’effectivement, tous les hommes ne bénéficient pas de la même manière des privilèges issus du patriarcat. Soit.

C’est amusant, parce que justement, les rapports de domination, on en parle souvent, mon amie Angeline et moi ! Angeline, c’est mon amie Rwandaise.
Et je lui disais justement, « tu comprends Angeline, les rapports de domination, et bien on les subit ou on les exerce, quoi, ça dépend des situations. On est tantôt dominant.e, tantôt dominé.e » Et là, elle m’a regardée d’un air sceptique et elle m’a dit « t’es sûre ? ». Bon, et bien, plus trop finalement…

Venons-en maintenant à cette publicité d’une marque de rasoirs, qui a beaucoup fait parler d’elle, en présentant enfin un modèle d’homme nouveau, ni macho, ni violent, ni homophobe… Cette publicité, je la hais, tout autant que celle d’une marque de vêtements qui me vendait dans les années 90 un monde tout en couleurs, diversité et égalité. Je les hais, l’une et l’autre, parce que tout ce qu’elles veulent, c’est me vendre des pulls ou des rasoirs. Je suis scandalisée par le détournement de mes combats à des fins mercantiles.  Mais j’entends bien que si cette publicité nous a été infligée aujourd’hui, c’est pour mettre en avant que tout concourt à renforcer cette injonction faite aux hommes à être des mâles, des vrais, dominants et protecteurs.

Et effectivement, les féministes luttent depuis plus de 50 ans contre cette pression à la performance.

Mais en même temps, le combat féministe essentiel est la lutte contre le patriarcat qui, qu’on le veuille ou non, sert les hommes. Certes, pas tous de la même manière…

Mais je me demande, quand les hommes s’engagent sur le chemin de la prise de conscience, voire de l’abandon de leurs privilèges, ça leur fait quoi ? Question ouverte, et à ce jour sans réponse…

Je me console en me laissant bercer par cette phrase glanée au détour du projet audio présenté par Marie Leprêtre : « cramer, détruire les privilèges, pour tout reconstruire ! » Et bien oui, je peux comprendre que ça puisse faire peur aux hommes, mais ça ne m’empêchera pas de continuer !

Même si parfois, j’aimerais être comprise par des hommes à l’écoute, attentifs, et souples, sur la question de leur identité. Tiens, ça me rappelle une histoire, qui concerne le fils d’une autre de mes amies. Quand il était petit garçon, il avait une sorte de double féminin. Il adorait porter le tutu rose de sa grande sœur, mettre un foulard de la même couleur et se maquiller. Il descendait les escaliers de la maison familiale, le visage rayonnant et déclarait : « je suis mademoiselle Rose ! ». Situation qui mettait sa mère très mal à l’aise, et tentait de raisonner son rejeton : « mais non, mon petit chat, ce n‘est pas possible. Tu es un garçon. »
Lui : « oui, mais j’aime bien m’habiller comme ça ! »
Elle : « mais non c’est pas possible… »
Lui « si ».
Il a bien grandi, ce petit garçon, et il n’aime pas trop qu’on lui remette en mémoire cette manie de son enfance, surtout devant sa petite amie. Mais je sais qu’il lui en est resté quelque chose. Qu’il fait partie de ceux qui ne sont pas effrayés par leur part féminine. Qu’il fait partie de ceux qui ne fait pas de l’orientation sexuelle de celles et ceux qui l’entourent un obstacle à l’amitié. Beaucoup plus tard, alors qu’il était adolescent, il présente à ses amis un nouveau pote, qu’il compte bien introduire dans leur cercle très fermé. Ses amis le chambrent, avec délicatesse : « dis, il serait pas un peu pédé ton pote ? » Il leur a répondu, du tac au tac : « si, mais juste un peu ». Ou tout l’art de clouer le bec à des ados fins comme des paquets de gros sel avec une pointe d’humour, toute en finesse, cette fois.

Alors, s’il n’y a pas de réponse figée à la question « comment lutter contre la masculinité hégémonique », il y a en tout cas une certitude, c’est qu’il faut continuer la lutte !